Aller au contenu principal
Les Demoiselles Harvey.

Les Demoiselles Harvey.

Date représentée :

H. : 27,5 cm

L. : 18 cm

Encre grise, lavis gris, pierre noire, plume. Vers 1804.

Domaine : Dessins

© Photo RMN - Grand Palais - M. Bellot

http://www.photo.rmn.fr

98-011340 / RF12293

Les Demoiselles Harvey

Date de publication : Février 2009

Auteur : Saskia HANSELAAR

En 1804, alors que Napoléon Bonaparte devient empereur, Jean Auguste Dominique Ingres s’entoure d’un cercle amical hétérogène, composé de peintres, de musiciens et de ses amis de la région de Montauban. À ce groupe appartient une famille anglaise, composée de Mme Harvey et de ses deux filles Henrietta et Elizabeth, intéressante par la profession de peintre de la plus jeune de ces deux demi-sœurs. Elizabeth Harvey, de son vrai nom Elizabeth Norton, expose au Salon, tout comme Ingres. Comme de nombreuses jeunes femmes en ce début de siècle, elle fait carrière dans la peinture de 1802 à 1812 et présente différents sujets à caractère historique aux Salons. Si certaines femmes gravent leurs noms durablement dans l’histoire de l’art, comme Constance Mayer par exemple, Elizabeth Harvey reste une de celles qui ont tenté de vivre de leur art, mais qui, à cause du mariage et des convenances, ont été obligées de se retirer dans l’ombre de leurs collègues masculins. Ingres, qui excelle dans l’exécution des portraits et croque souvent ses proches et amis, laisse un témoignage de cette artiste ainsi que de sa demi-sœur, elle-même peintre amateur, contribuant ainsi à la connaissance de la société du début du XIXe siècle.

Ce dessin de 1804, esquisse préparatoire à un tableau aujourd’hui perdu, est rare dans l’œuvre d’Ingres tant par la singularité de la pose des deux jeunes femmes que par les matériaux utilisés – il a été exécuté au pinceau et au lavis gris. Les demoiselles Harvey sont habillées de longues robes blanches, en référence aux drapés antiques, très prisés sous l’Empire. Elles portent aussi un châle en cachemire, accessoire rapporté par le général Napoléon Bonaparte lors de la campagne d’Égypte et adopté par les femmes. Elles ont les cheveux relevés, également à l’antique. Distinctive des portraits exécutés par Ingres au début de sa carrière, la rapidité d’exécution qui se sent dans ce dessin montre l’intimité des trois artistes. Il a réussi à capter la tendresse qui unit les deux demi-sœurs dans l’instant où elles posent côte à côte, enlacées. En effet, la plus grande entoure de son bras Henrietta, l’aînée, et lui tient la main, tout en penchant la tête vers elle. Ce dessin est également original, car il appartient aux rares portraits en pied qu’Ingres a réalisés. Dans cette esquisse, aucun arrière-plan ne permet de savoir si la scène se situe dans un intérieur ou dans un décor extérieur. Ingres apporte un soin particulier à la représentation de ces deux jeunes artistes en soulignant leur jeunesse et leur beauté.

Il existe très peu de portraits des femmes peintres de cette époque, et leurs autoportraits sont eux aussi assez rares. Suivant ce schéma, les sœurs Harvey ne se sont jamais représentées ; seul le dessin d’Ingres et quelques croquis permettent de connaître leurs visages. Le dénigrement dont certaines ont fait l’objet et l’attribution de leurs œuvres à des hommes les ont pour la plupart condamnées à l’oubli, et il est difficile de mesurer la véritable importance qu’elles ont eue en leur temps. Elizabeth Harvey, la plus douée des deux demi-sœurs, est une de ces artistes qui participent activement à la vie artistique parisienne durant une décennie. On connaît surtout d’elle Malvina pleurant la mort d’Oscar (1806, Paris, musée des Arts décoratifs) qui montre une grande maîtrise de la composition et des figures ainsi qu’une excellente connaissance du texte. Henrietta, bien qu’amateur, peint des paysages et se contente d’un succès privé (comme de nombreuses autres jeunes femmes dont l’art est confiné au cercle familial ou amical). Le double portrait réalisé par Ingres illustre un pan inconnu de la vie artistique du début du XIXe siècle, par la présence souvent oubliée des femmes.

Hans NAEF, « Henrietta Harvey and Elizabeth Norton : Two English Artists », in The Burlington Magazine, février 1971.Georges VIGNE, Ingres, Paris, Citadelles et Mazenod, 1995.

Saskia HANSELAAR, « Les Demoiselles Harvey », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 19/04/2024. URL : histoire-image.org/etudes/demoiselles-harvey

Ajouter un commentaire

HTML restreint

  • Balises HTML autorisées : <a href hreflang> <em> <strong> <cite> <blockquote cite> <code> <ul type> <ol start type> <li> <dl> <dt> <dd> <h2 id> <h3 id> <h4 id> <h5 id> <h6 id>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

Mentions d’information prioritaires RGPD

Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel

Partager sur

Découvrez nos études

Les femmes, la guerre et la paix

Les femmes, la guerre et la paix

Un pacifisme né de la Grande Guerre

Les syndicats européens, anticapitalistes, se positionnent à l’écart de l’Internationale où règnent les…

Les femmes, la guerre et la paix
Les femmes, la guerre et la paix
Les Femmes dans l’armée de Libération

Les Femmes dans l’armée de Libération

Les « Merlinettes »

Dans le cadre de l’organisation des troupes françaises libres, le général d’armée Giraud, commandant en chef des forces…

Pauline Borghèse, princesse et muse

Pauline Borghèse, princesse et muse

Pauline Bonaparte (1780-1825), née Maria-Paoletta, est la seconde fille de Charles Bonaparte et de Letizia Ramolino. Sa beauté remarquable lui…

Pauline Borghèse, princesse et muse
Pauline Borghèse, princesse et muse
Pauline Borghèse, princesse et muse
Frida Kahlo accueille Léon Trotski au Mexique

Frida Kahlo accueille Léon Trotski au Mexique

La fin de l’exil politique pour Léon Trotski et Natalia Sedova

Cette photographie de Léon Trotski, (1879-1940), accompagné de son épouse Natalia…

La Mobilisation des femmes

La Mobilisation des femmes

En 1914-1918, pendant que les hommes sont au front, les femmes participent activement à l’effort national. Dans une guerre totale, longue et…

La traite des planches ou La prostitution au spectacle

La traite des planches ou La prostitution au spectacle

La traite des planches ou la prostitution au spectacle.

Le dessin de Degas comme la photographie de la vedette Polaire attestent l’engouement…

La traite des planches ou La prostitution au spectacle
La traite des planches ou La prostitution au spectacle
Catherine de Médicis

Catherine de Médicis

Catherine de Médicis, l’histoire et sa légende

Catherine de Médicis occupe dans l’histoire de France une place à la fois singulière et stéréotypée…

Catherine de Médicis
Catherine de Médicis
L'Arbre d'Amour

L'Arbre d'Amour

La France du XIXe siècle connaît une division sexuelle des tâches, des rôles et des espaces fortement marquée. Il serait évidemment…

Les Gaulois vus par Fernand Cormon

Les Gaulois vus par Fernand Cormon

Les Gaulois, ces inconnus

Qui sont les Gaulois ? La question intrigue les savants, les dirigeants et – dans une moindre mesure – la population…

Les Gaulois vus par Fernand Cormon
Les Gaulois vus par Fernand Cormon
Les Gaulois vus par Fernand Cormon
Représentations de la danseuse à la barre à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle

Représentations de la danseuse à la barre à la fin du XIXe siècle

Indispensable pour s’échauffer, pour apprendre le bon placement du corps et pour faire travailler correctement les muscles dans les positions qui…

Représentations de la danseuse à la barre à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle
Représentations de la danseuse à la barre à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle
Représentations de la danseuse à la barre à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle