Aller au contenu principal
Intérieur de Mr F., Négociant : atelier de Madame

Intérieur de Mr F., Négociant : atelier de Madame

Intérieur de Mr F., Négociant : atelier de Madame

Intérieur de Mr F., Négociant : atelier de Madame

Intérieur de Mr F., Négociant : atelier de Madame

Intérieur de Mr F., Négociant : atelier de Madame

Date de création : 1910

Date représentée : 1910

H. : 22,6 cm

L. : 17,8 cm

Photographie positive sur papier albuminé d'après négatif sur verre au gélatinobromure

Domaine : Photographies

© Cliché Bibliothèque Nationale de France

RES OA-173-PET Fol Atget 767

Le Développement des pratiques amateur féminines

Date de publication : Décembre 2007

Auteur : Claire LE THOMAS

S’occuper, une nouvelle nécessité pour les femmes

Au cours du XIXe siècle, les femmes se retirèrent progressivement de la vie active pour rester au foyer. Avec l’augmentation du niveau de vie, elles n’avaient plus besoin de travailler pour subvenir aux besoins de la famille et les représentations négatives entourant la sphère publique masculine, amorale et dangereuse, les enjoignaient à demeurer à la maison.
Si le travail à l’extérieur était vivement réprouvé, afin de ne pas pervertir la cellule familiale, l’oisiveté totale, qui s’apparentait à la fainéantise ou à la paresse, était tout aussi dangereuse pour la vertu féminine et, par extension, pour celle du foyer. A cette exigence sociale, qui valorisait l’activité d’intérieur, l’ennui, le désœuvrement, nés de journées s’écoulant dans la passivité, inspirèrent aussi la recherche d’occupations.
Ainsi, parallèlement aux charges diverses, telles que gouverner la maison, effectuer les tâches ménagères ou élever les enfants, les femmes s’adonnèrent aux travaux artistiques d’amateurs, ou « arts d’agréments ».

L’atelier de Mme F. : un témoignage des pratiques artistiques amateur féminines

Parmi les photographies d’intérieurs parisiens d’Atget, deux clichés témoignent de ces nouvelles occupations féminines : intitulés Intérieur de Mr F., Négociant : atelier de Madame, Sculpteur amateur, ils présentent une pièce de l’appartement dédiée à la pratique d’une activité artistique amateur.
La première image montre un chevalet, encombré de papiers et entouré de nombreuses sculptures – bas-reliefs, têtes, statuettes, morceaux de bras – entreposés pêle-mêle sur une étagère ou à même le sol. Un porte-revues supporte également une accumulation de feuilles, sans doute des esquisses ou des reproductions servant de modèles à Mme F. pour réaliser ses sculptures. La seconde photographie dévoile une autre partie de la pièce, un peu mieux rangée, où se trouvent un deuxième chevalet, une sellette avec un buste et de nombreuses autres sculptures, sûrement accomplies par la femme du négociant.
Qu’une pièce entière soit consacrée à ce loisir et équipée à cette fin, manifeste bien la place considérable prise par ces pratiques artistiques dans la vie des femmes au foyer. Chacune choisissait, selon ses goûts, entre les nombreuses activités manuelles qui leur étaient proposées. Des marchands s’étaient en effet spécialisés dans la vente de produits destinés aux amateurs et des manuels s’attachaient à enseigner des techniques artistiques et artisanales (dessin, sculpture, peinture, gravure, reliure, poterie, vannerie, mosaïque, vitrail, tissage, travail et tannage du cuir…) ou à guider la lectrice dans la confection d’artefacts divers (cadres, statuettes, boîtes, tableaux, vases, corbeilles, fleurs artificielles, bijoux, jouets….).

 

Un loisir aux vertus multiples

Les travaux artistiques amateur répondaient de la manière la plus adéquate possible au dilemme féminin : sans avoir à sortir de la maison, ils permettaient d’occuper les heures creuses tout en s’attachant à embellir le domicile. La plupart de ces créations étaient en effet destinées à décorer le logement, à le rendre plus agréable et confortable, c’est-à-dire qu’elles œuvraient à renforcer les vertus attribuées au foyer.
Source de bien-être et de joie, école d’apprentissage de la moralité selon les conceptions de l’époque, la famille se voulait un rempart contre les tentations malsaines du dehors. Le logis aspirant à établir une frontière physique avec l’extérieur, il était considéré comme le fondement matériel du foyer et se devait de signifier le bonheur apporté par l’éden familial. Se distraire en améliorant l’esthétique de l’habitat était donc une façon de consolider l’attrait du foyer, d’accroître les valeurs qu’il était censé transmettre. Plus accueillant, plus beau, il serait plus à même de retenir l’homme à la maison et de prodiguer ses bienfaits.
L’adoption de pratiques artistiques amateur par les femmes était également favorisée par les liens que ces activités entretenaient avec les usages mondains et aristocratiques. Elles s’inscrivaient dans l’éducation manuelle et artistique dispensée aux jeunes filles et s’accordaient à la nouvelle conception du loisir qui s’ébauchait au cours du XIXe siècle. Les travaux manuels amateur faisaient partie des distractions conçues comme enrichissantes, offrant un épanouissement personnel, intellectuel, physique et artistique.
Si la diffusion de ces occupations féminines semble avoir été importante, il n’en reste malheureusement que peu de traces. Relevant du domaine du privé, elles n’ont pas été étudiées et les objets crées n’ont pas été conservés. Les photographies d’Atget font partie des rares documents, avec les manuels amateur, attestant de ces nouveaux usages du temps libre. Ces images, pour l’historien, peuvent donc revêtir une signification différente de celle que leur allouait leur auteur.

ARIES Philippe, DUBY Georges (dir.) Histoire de la vie privée. Tome 4, De la Révolution à la Grande Guerre Paris, Editions du seuil, 1987.

Marguerite de BRIEUVRES Les arts féminins Paris, Garnier Frères Libraires-Éditeurs, s.d.Alain CORBIN (dir.)

L’avènement des loisirs 1850-1960 Paris, Rome, Editions Aubier, Laterza, 1995.

Jean EMILE-BAYARD Les arts de la femme, Encyclopédie pratique Paris, Librairie Charles Delagrave, 1904.

Claire LE THOMAS, « Le Développement des pratiques amateur féminines », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 16/04/2024. URL : histoire-image.org/etudes/developpement-pratiques-amateur-feminines

Ajouter un commentaire

HTML restreint

  • Balises HTML autorisées : <a href hreflang> <em> <strong> <cite> <blockquote cite> <code> <ul type> <ol start type> <li> <dl> <dt> <dd> <h2 id> <h3 id> <h4 id> <h5 id> <h6 id>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

Mentions d’information prioritaires RGPD

Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel

Partager sur

Découvrez nos études

Alger, « capitale » de la France Libre

Alger, « capitale » de la France Libre

Séance inaugurale de l’Assemblée consultative provisoire d’Alger

Le 8 novembre 1942, l’opération Torch (nom de code du débarquement allié en…

La folie : de l'allégorie à l'évidence photographique

La folie : de l'allégorie à l'évidence photographique

L’invention de la photographie en 1839 par Jacques Daguerre (1787-1851) eut, entre autres, des conséquences non négligeables sur la recherche…
La folie : de l'allégorie à l'évidence photographique
La folie : de l'allégorie à l'évidence photographique
L’Occupation en symbole

L’Occupation en symbole

Le château de Chambord sous l’Occupation

Dès avant le début de la Seconde Guerre mondiale, le château de Chambord est choisi pour mettre de…

De la place de grève à la place de l'Hôtel de ville

De la place de grève à la place de l'Hôtel de ville

Le siège de la municipalité de Paris

La place de Grève, devenue en 1803 place de l’Hôtel de Ville, abrite le siège de la municipalité parisienne…

De la place de grève à la place de l'Hôtel de ville
De la place de grève à la place de l'Hôtel de ville
De la place de grève à la place de l'Hôtel de ville
Charles Marville : photographies d'un patrimoine monumental restauré

Charles Marville : photographies d'un patrimoine monumental restauré

La restauration des édifices : une science en plein essor

Les destructions monumentales survenues au cours de la période révolutionnaire, la…

Charles Marville : photographies d'un patrimoine monumental restauré
Charles Marville : photographies d'un patrimoine monumental restauré
Charles Marville : photographies d'un patrimoine monumental restauré
Alliés, mais pas trop

Alliés, mais pas trop

Tous contre un

Six mois après le Débarquement de Normandie (6 juin 1944) et l’ouverture du « second front » à l’ouest tant réclamée par Staline,…

Alliés, mais pas trop
Alliés, mais pas trop
Les chars Renault

Les chars Renault

Les chars Renault FT dans la Grande Guerre

Le 15 septembre 1916, les Britanniques utilisent pour la première fois des chars d’assaut dans l’…

Les chars Renault
Les chars Renault
Les chars Renault
La conférence de Casablanca

La conférence de Casablanca

La conférence de Casablanca

La conférence de Casablanca réunie du 14 au 24 janvier 1943 à l’initiative conjointe de

Roosevelt et…

Paris : le port de Bercy

Paris : le port de Bercy

Dans la France de l’âge industriel, démocratisation des loisirs et nouvelles classes sociales

Entre le milieu du XIXe siècle et l’aube…

Paysages ravagés de la guerre de 1914-1918

Paysages ravagés de la guerre de 1914-1918

La ruine de l’Europe en guerre

De 1914 à 1918, la Grande Guerre fait rage aux quatre coins du globe, se concentrant en France sur une bande de…

Paysages ravagés de la guerre de 1914-1918
Paysages ravagés de la guerre de 1914-1918
Paysages ravagés de la guerre de 1914-1918