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Caïn.

Caïn.

Date de création : 1880

Date représentée :

H. : 400 cm

L. : 700 cm

huile sur toile. Sous-titre : "La Conscience" ("La Légende des Siècles") de V. Hugo : Lorsque avec ses enfants vêtus de peaux de bêtes/Echevelé, livide au milieu des tempêtes/Caïn se fut enfui de devant Jéhovah/Comme le soir tombait, l'homme sombre arriva

Domaine : Peintures

© RMN - Grand Palais (musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski

Lien vers l'image

RF 280 - 02-015407

Un tableau d'inspiration anthropologique

Date de publication : Mars 2016

Auteur : Stéphanie CABANNE

La peinture officielle de la IIIe République

Fernand Cormon a effectué une carrière exemplaire sous la IIIe République, exécutant nombre de commandes publiques[1]. Régulièrement médaillé au Salon depuis 1870, il n’y présente rien en 1879 afin de se consacrer à une toile monumentale, Caïn, exposée l’année suivante. Très attendu, le tableau crée l’événement. Il est acheté par l’Etat et vaut la Légion d’honneur à son auteur. Contrastant avec l’exécution lisse et les couleurs claires des autres œuvres du Salon[2], il se rattache à la peinture d’histoire par son sujet et au naturalisme par son traitement.

« La Conscience »

Le tableau est présenté au Salon comme l’illustration des premiers vers de « La Conscience » de Victor Hugo[3], poème lui-même inspiré de la Genèse (IV). Le poète avait insisté sur le caractère inéluctable de la sentence divine : condamné par Dieu à fuir sans fin parce qu’il a assassiné son frère Abel, Caïn est poursuivi par sa conscience, incarnée par l’œil de Dieu, jusque dans sa tombe. Le poème est ponctué de vers traduisant cette omniprésence. Hugo s’est inspiré d’une gravure du XVIIIe siècle[4], où l’œil divin apparaît à travers des nuages.

Dans le tableau, la fuite désespérée de Caïn et de ses descendants est traduite par le format en largeur et par une composition très simple, basée sur deux grandes diagonales proches de l’horizontale. Des ombres au caractère menaçant s’étirent sur le sol. La troupe avance d’un pas lent et les yeux baissés. Cormon a peint par touches épaisses, d’une large facture, recourant à une gamme de couleurs terreuses qui créent une atmosphère oppressante. La seule détente est apportée par la silhouette bleutée d’une montagne à l’horizon et par les percées de ciel à travers les nuages, auxquelles le groupe tourne le dos.

Ce cortège frappe par son traitement « archéologique » : Cormon a soigné sa reconstitution et exécuté chaque figure d’après des modèles vivants venus poser dans son atelier, qu’il revêt de peaux de chèvre et représente grandeur nature.

Un tableau anthropologique

Caïn est le premier tableau d’inspiration préhistorique de Cormon qui s’en fera ensuite une spécialité. Son exécution suit de peu les découvertes de l’homme de Cro-Magnon et les peintures paléolithiques d’Altamira. Il correspond à la vision anthropologique des années 1880. Le darwinisme[5] vient d’affirmer les impératifs biologiques de l’homme, calqués sur le règne animal, réduisant notamment la femme à sa finalité reproductrice et établissant son infériorité intellectuelle, ce qu’illustre le groupe de créatures inactives et alanguies portées sur le brancard. De même la pensée de Darwin, véhiculée par Hippolyte Taine[6], a engendré le déclin de la croyance en un Dieu bienveillant ayant préordonné le bonheur humain. D’où cette représentation « laïque » et pessimiste des ancêtres de l’humanité, miroir d’une société à laquelle la science apporte réconfort et crainte en même temps.

Collectif, Cat.exp. La Gloire de Victor Hugo, Paris, Grand Palais, 1985.

ROSENBLUM Robert, La Peinture au musée d’Orsay, Paris, Nathan, 1989.

BRISSON D., Marina FERRETTI-BOCQUILLON et MURAT L., Voyage à Orsay RMN, Paris, 1992.

Collectif Cat. exp. L’Ame au corps, 1793-1894 Paris, Grand Palais, RMN-Gallimard/Electa, 1993.

1. Notamment La Bienfaisance de l'Education pour la mairie du IVe arrondissement (1878), une Histoire de l'écriture pour l'Hôtel de Ville de Paris et trois plafonds pour le Petit Palais (Vision du Paris primitif, Révolution française et Temps modernes, 1911).

2. L'autre œuvre monumentale du Salon est la Naissance de Vénus de William Bouguereau (1879, musée d'Orsay).

3. In La Légende des siècles (1859) :" Lorsqu'avec ses enfants couverts de peaux de bêtes, Echevelé, livide au milieu des tempêtesCaïn se fut enfui de devant Jéhovah..."

4. Gravure de Gueudeville illustrant le meurtre d'Abel dans le Grand Théâtre historique (1707).

5. Charles Darwin, La Descendance de l'homme (1871).

6. Hippolyte Taine est enseignant à l'Ecole des beaux-arts de même que Cormon.

Stéphanie CABANNE, « Un tableau d'inspiration anthropologique », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 28/03/2024. URL : histoire-image.org/etudes/tableau-inspiration-anthropologique

Anonyme (non vérifié)

Bonjour,

Ce peintre CORMON, dont je suis un descendant assez éloigné et dont j'ai étudié la généalogie et l’œuvre a été très connu de son vivant et a été un professeur émérite qui, dans ses différents ateliers a vu défiler de nombreux peintres et artistes. Je suis assez étonné que personne n'ait eu l'idée d'organiser une rétrospective de ses œuvres. Dommage !

sam 14/09/2013 - 11:22 Permalien

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