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Football en banlieue ; le stade

Football en banlieue ; le stade

Auteur : LANOUX Armand

Lieu de conservation : musée des Beaux-Arts (Rennes)
site web

Date de création : 1937

Date représentée : 1937

H. : 50 cm

L. : 62 cm

huile sur toile ; dépôt du musée du Louvre

Domaine : Peintures

© MBA, Rennes, dist. RMN - Grand Palais / Louis Deschamps

lien vers l'image

05-513163 / D1938-1-3

Football et culture urbaine

Date de publication : Juin 2021

Auteur : Alexandre SUMPF

Amateur et professionnel, sport et spectacle

En 1937, un peintre presque anonyme, signant du nom de Lanoux, réalise la peinture à l’huile intitulée Football en banlieue ; le stade. L’œuvre très colorée échappe à la classification : elle est proche du fauvisme dans l’ensemble, mais lorgne du côté du cubisme et même de l’abstraction. L’artiste n’a pas représenté un épisode tiré d’un match, mais choisit plutôt d’insérer ce sport populaire dans un décor de banlieue ouvrière et d’y intégrer des personnages énigmatiques.

À cette époque, le football s’est largement professionnalisé, deux coupes du monde ont été organisées et une troisième va se dérouler en 1938, justement en France. La Fédération française de football compte environ 5 000 clubs et 140 000 licenciés de tous âges.

En banlieue, là où les deux syndicats CGT comptent le plus d’adhérents, des structures ont développé depuis 1908 un réseau parallèle omnisports destiné aux ouvriers. La Fédération sportive et athlétique socialiste (FSAS), devenue la Fédération sportive du travail (FST) en 1919 puis la Fédération sportive et gymnique du travail (FSGT) en 1934 suite à sa fusion avec l’Union des sociétés sportives et gymniques du travail (USSGT), rejette professionnalisme, spectacle et compétition au profit du développement individuel et collectif par le sport. En 1938, elle réunit 168 clubs de football, soutenus par les mairies socialistes et communistes, pratiquant un football aux règles repensées.

Sur le terrain

Les tons verts et rouges dominent la palette de la toile Football en banlieue ; le stade, dont la composition se découpe en trois plans.

Au premier, on distingue la paroi d’une cahute, sans doute la buvette du stade, portant une affiche pour le cirque Pinder, ainsi que la rambarde blanche sur laquelle les spectateurs debout peuvent s’appuyer pour regarder le jeu. De spectateurs, là ou sur les gradins en béton gris que l’on distingue à droite, il n’y a point. Ce n’est pas jour de match ni d’entraînement – on ne voit pas de ballon.

Pourtant, au deuxième plan, trois joueurs en tenue rouge et bleu matérialisent la perspective entre le terrain et les tribunes : le premier est accompagné d’une femme élégamment mise, le deuxième d’un homme en gabardine et chapeau qui tient un attaché-case, et le troisième semble en mouvement – peut-être s’échauffe-t-il. Les cinq personnages sont saisis de dos, comme furtivement.

À l’arrière-plan, se dresse un paysage d’usines et d’immeubles qui barrent le ciel et l’envahissent de fumée blanche.

Le sport des villes

Le caractère composite du style ne permet pas d’affilier l’artiste inconnu à telle ou telle école. La présence de l’affiche évoque le collage cubiste, le bâtiment monumental au fond à droite aurait pu être dessiné par De Chirico, l’association de bleu, rouge et vert propose peut-être un hommage discret à Cézanne…

Lanoux a choisi de composer une scène de genre dans le décor d’un stade mais, avec des personnages qui n’ont en apparence rien à voir avec le football, il évoque tout le tissu social autour des joueurs professionnels : leurs fiancées, leurs agents… mais pas le public, que l’on devine forcément populaire.

Les stades sont souvent situés en banlieue, comme celui de Colombes, agrandi pour les Jeux olympiques de 1924. Les équipes de France y jouent leurs matchs internationaux en alternance avec le Parc des Princes, situé à Paris. Le football se jouait avant la guerre dans des espaces publics libres de bâti – bois de Vincennes, jardin des Tuileries, places publiques, terrains vagues – et y concurrençait d’autres activités comme le maraîchage. Dans l’entre-deux-guerres, la construction de stades commerciaux pour les matchs de prestige (Parc des Princes en 1932), municipaux (stade Bauer à Saint-Ouen, agrandi en 1922 pour accueillir le tournoi olympique) et associatifs (stade Charléty pour le Paris université club en 1929) vient réguler l’usage d’un espace de plus en plus densément occupé.

L’attachement au stade tient autant à la présence de clubs résidents qu’aux efforts collectifs consentis, parfois par les joueurs eux-mêmes, pour viabiliser des terrains impropres à la pratique d’un sport exigeant une surface plane et égale pour que le ballon roule. Cet élan découle à la fois de la médiatisation de ce sport par les directs à la radio, les revues spécialisées (Football, de 1929 à 1944) et les gazettes municipales, ainsi que et de l’essor de la pratique sportive dans le cadre de l’hygiénisme social des municipalités socialistes et communistes. Plus encore que les matchs, le stade, sa pelouse et ses cages deviennent un élément permanent de la culture ouvrière.

CORREIA Mickaël, Une histoire populaire du football, Paris, La Découverte, 2018.

DIETSCHY Paul, Histoire du football, Paris, Perrin, coll. « Pour l’histoire », 2010.

SOREZ Julien, Le football dans Paris et ses banlieues de la fin du XIXe siècle à 1940 : un sport devenu spectacle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », 2013.

Alexandre SUMPF, « Football et culture urbaine », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 28/04/2024. URL : histoire-image.org/etudes/football-culture-urbaine

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